A propos de « grande transformation écologique » , publié dans Le Débat 2019/5 (n° 207)

Bernard Cazeneuve ne joint pas sa voix au chœur funèbre qui accompagne la dépouille mortuaire de la social-démocratie et de la gauche de gouvernement à sa dernière demeure. Il croit à la résilience du socialisme démocratique et se mobilise pour sa quatrième refondation.

La première a eu lieu, en France, dans les années vingt du siècle dernier, après la scission communiste de la SFIO au congrès de Tour, et a porté en 1936 Léon Blum à Matignon, à la tête du premier gouvernement de Front populaire. La seconde est survenue en 1945, à la Libération, après la longue nuit de la clandestinité et de la Résistance. La troisième s’est produite en 1971, à Epinay-sur-Seine, sous la houlette de François Mitterrand, et a pris fin en 2017, dans la déroute du PS aux élections présidentielles et législatives. En juin 1969, les candidats soutenus par les socialistes, le « ticket » Gaston Deferre, député-maire de Marseille, et Pierre Mendès-France, figure tutélaire de la gauche, avaient obtenu 5,01% des suffrages exprimés à l’élection présidentielle, soit un peu moins que Benoît Hamon (5,03%) en 2017. La refondation dans laquelle se lança alors la SFIO, pour persévérer dans l’être, fut une rénovation à tous les étages : rénovation idéologique et programmatique, avec un retour de flamme du marxisme qui aurait ravi Thomas Piketty, (lequel venait opportunément de naître le 7 mai 1971…). « Nationalisation, Planification, Autogestion » devinrent les mots d’ordre unificateurs du PS d’Epinay, et bientôt ceux de toute la Gauche, politique et syndicale, CFDT incluse. Dans ce tryptique, le troisième terme, l’Autogestion, jouait un rôle majeur. Deux ans après le soulévement antitotalitaire du peuple de Pragues et son écrasement par les chars soviètiques, en aout 1968, il ne fallait pas laisser confondre les nationalisations démocratiques avec l’étatisation bureaucratique de l’économie qui sévissait alors dans les pays de l’Est. Pour que cela soit bien clair, Pierre Rosanvallon publiait « L’âge de l’autogestion, la politique au poste de commandement », et le PS adoptait ses « Quinze thèses sur l’autogestion » à sa convention nationale du 21 juin 1975. Cette nouvelle donne idéologique et programmatique, s’accompagnait d’une rénovation organisationnelle, avec la promotion des sections d’entreprises et l’adoption du scrutin proportionnel pour l’élection des dirigeants à tous les niveaux et des candidats à tous les mandats, en fonction du score obtenu aux congrès par leur « motion ». Elle s’achevait enfin par un retournement complet de la stratégie d’alliance, le concubinage avec les partis du Centre-droit étant rompu au profit de l’union avec les communistes et les radicaux de gauche. Ce « cycle d’Epinay » a prospéré pendant près de cinquante ans. Dès l’élection présidentielle de 1974, il s’en est fallu d’un cheveu – 400 000 voix !  –  pour que François Mitterrand n’entre à l’Elysée. Ce fut chose faite en 1981 et à nouveau en 1988. En 1997, le gouvernement de Lionel Jospin exerçait le pouvoir depuis Matignon, et en 2012, François Hollande devenait à son tour Président de la République. Sous son quinquennat, le PS détenait – cruel souvenir ! – la totalité des pouvoirs politiques : L’ Elysée, Matignon, l’Assemblée, le Sénat, 21 régions sur 22, les deux tiers des départements, la plupart des grandes municipalités … le cycle d’Epinay s’achevait en apothéose ! Sa fin brutale n’en fut que plus traumatisante.

Matrice de la nouvelle refondation.

Une quatrième refondation de la gauche réformiste française (et européenne…) est elle possible  aujourd’hui ou bien cette fois-ci, la social-démocratie sent elle vraiment le sapin ? Est-elle condamnée à devenir une force résiduelle, une borne témoin d’un passé glorieux mais irrémédiablement révolu, comme le furent avant elle le parti radical, qui installa et domina la troisième République, ou le Parti communiste si longtemps hégémonique au sein de la gauche politique, syndicale et intellectuelle ? Les écologistes vont-ils devenir, en ses lieux et places, le parti dominant de la gauche, principal inspirateur et agent historique de sa refondation, comme le pensent les dirigeants d’EELV ?

Bernard Cazeneuve rappelle l’extraordinaire aptitude de la famille social-démocrate,  à se remettre en cause et à s’adapter aux nouvelles conditions historiques de son action, dans la fidélité à ses valeurs et à ses grands objectifs. Là est le secret de sa longévité. Une nouvelle Renaissance de la social-démocratie est possible, nous dit-il, si, comme leurs aînées, les nouvelles générations militantes s’attellent à la tâche et se montrent capables d’intégrer à leur logiciel politique la réponse aux nouveaux défis de notre temps, et en particulier au plus redoutable d’entre eux, celui du péril écologique. La critique social-démocrate du capitalisme – « c’est un système injuste, irrationnel, aliénant » -, n’a rien perdu de sa pertinence sous le capitalisme mondialisé, numérisé et dominé par la finance dans lequel nous vivons désormais., affirme t’il. Bien au contraire : en atteste l’explosion spectaculaire et révoltante des inégalités, grosse de crises futures ; et le saccage de notre écosystème. Les grands objectifs que la social-démocratie poursuit depuis un siècle et demi – une économie régulée, une démocratie accomplie, une société du bien-vivre , (et, désormais, de vivre dans un environnement préservé et bonifié), sont plus actuels que jamais. Le « surgissement de la limite écologique », mais aussi l’accélération de la révolution technogique, écrit Bernard Cazeneuve, imposent une ré-écriture du programme socialiste.

Le précédant de la synthèse entre le socialisme démocratique et le libéralisme politique

Ce ne sera pas la première : confrontée à la montée des totalitarismes fascistes et staliniens, dans les années trente du siècle dernier, la social-démocratie européenne a intégré à sa doctrine et à sa pratique l’apport du libéralisme politique – défense de l’Etat de droit, de la séparation des pouvoirs, de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, promotion des droits de l’homme… -. Elle a répudié le recours à la violence, fut-elle de masse, comme méthode de transformation de la societé et stratégie de conquête du pouvoir. En Suède et en Scandinavie, dès 1933 (1), puis dans toute l’Europe de l’Ouest après la seconde guerre mondiale, elle a élaboré et mis en œuvre une voie démocratique et pacifique au socialisme, fondée sur le compromis entre la classe ouvrière organisée et le patronat, dans le cadre d’un Etat démocratique développé. Ce socialisme lui-même étant conçu non plus comme « la dictature du prolétariat », mais à la manière jaurèssienne, comme « un maximum de démocratie », la démocratie poussée jusqu’au bout (2).

Cette synthèse entre le socialisme et le libéralisme politique, qui définit la social-démocratie moderne, a profondément transformé les partis ouvriers issus de la « deuxième Internationale » marxiste  , sans changer leur nature : Devenus keynésiens et gouvernementaux, le SAP suèdois et ses homologues nordiques et rhénans, sont restés pendant des décennies les grands partis de la classe ouvrière de leur pays, défendant efficacement les interêts des salariés par d’autres moyens que ceux de la lutte des classes à outrance, visant à l’anéantissement de la bourgeoisie capitaliste au moyen de « l’expropriation des expropriateurs ».

C’est à une synthèse de même ampleur et de même portèe historique entre la social-démocratie et l’écologie politique qu’appelle l’ancien hôte de la Place Beauveau et de l’Hôtel Matignon.

Une refondation difficile

Mais pour être nécessaire et possible, cette nouvelle refondation s’annonce beaucoup plus ardue et incertaine que celle que la gauche non communiste a  conduite dans les années 1970. Car le contexte historique est aujourd’hui profondément différent, et pour tout dire, passablement défavorable à une reconstruction de la gauche. Dans l’après 68, « le fond de l’air était rouge », constatait Chris Marker, dans un film fameux. Aujourd’hui il vire dangereusement au brun. On assiste à « la revanche des passions tristes » (3). Le ressentiment, la colère, la peur, la haine ont monté en intensité et trouvé leurs expressions politiques dans les partis populistes. Avec l’effondrement des grandes idéologies émancipatrices héritées du XIXeme siècle et portées par le mouvement ouvrier – républicanisme radical, socialisme révolutionnaire, communisme…-, la représentation de la société désirable s’est brouillée. Dans la conscience populaire, le capitalisme n’a plus d’alternative crédible, seulement des variantes. La mondialisation et la numérisation de l’économie se sont accélérées, produisant leurs lots de gagnants et de perdants, nombreux parmi les salariés des industries et des services du siècle dernier. Le rapport de force entre les acteurs publics – gouvernements, partis, syndicats, associations… -, et les détenteurs du pouvoir économique privé – chefs d’entreprises multinationales et opérateurs financiers -, a évolué au profit des second et au détriment des premiers. Les salariés peu et moyennement qualifiés sont acculés à la défensive, leur part dans la répartition des fruits de la croissance stagne ou diminue. Le taux de cette croissance, au demeurant, est passé de 5% au début des années 1970, à 3, puis à moins de 2% , raréfiant « le grain à moudre ».  La fragmentation de la société en catégories sociales, religieuses, culturelles, ethniques, aux intérêts et aux aspirations divergents, s’est accentuée, affaiblissant le sentiment de former « une communauté de citoyens » et exacerbant l’intensité des conflits (4). La classe ouvrière industrielle s’est marginalisée et droitisée, elle a cessé d’être l’avant-garde progressiste de la société et l’agent unificateur du salariat. Le mouvement historique d’individualisation de nos sociétés occidentales a changé de signe : d’émancipateur qu’il était jusqu’aux années 1990, il est devenu désagrégateur du lien social. La guerre s’est ré-invitée sur notre continent : en son cœur avec le terrorisme djhiadiste, sur ses marges avec le retour en force de l’impérialisme grand’russe. L’immigration à changé d’ampleur et de nature. En conséquence, les demandes de sécurité et de défense de l’identité nationale se sont hissées au même niveaux d’intensité que les revendications économiques et sociales dans les préoccupations des citoyens. Si bien qu’il est de bon ton, désormais, de diagnostiquer l’effacement du clivage gauche/droite, au profit de l’antagonisme entre société ouverte et société fermée, progressisme universaliste versus nationalisme alterophobe. L’urgence écologique s’est aggravée et sa prise en compte nécessaire entre souvent en contradiction avec la défense des interêts à court terme des classes populaires et moyennes, comme vient de l’illustrer, après bien d’autres, le mouvement des Gilets jaunes. La démocratie d’opinion, médiatique et numérique, mais aussi individualiste, sceptique, et passablement impotente, a pris le pas sur la démocratie de représentation. L’institution partisane classique est entrée en crise, au profit de formes nouvelles d’organisation – le parti entreprise, le parti plateforme, le parti mouvement, le parti personnel -, mieux adaptées à la volatilité nouvelle du champs politique et l’aggravant. Voilà les raisons profondes de la crise, non seulement de la social-démocratie, mais aussi, à des degrés divers, de la plupart des partis de gouvernement : voyez l’état des partis conservateurs britannique, espagnol, italien, français, comme celui du parti républicain, outre-atlantique. Seuls semblent avoir le vent en poupe, dans ce nouveau contexte, les partis populistes d’extrême-droite, xénophobes, islamophobes, autoritaires, réactionnaires, et vierges de tout bilan.

  Naissance d’ une social-écologie?

C’est dans cet écosystème politique difficile que Bernard Cazeneuve nous invite à ré-inventer la gauche réformiste du XXIeme siècle, en commençant par le champ des idées. Sur le fond théorique et programmatique, nous dit-il, on l’a vu, la nouvelle gauche doit opérer la synthése entre un républicanisme radical ; l’apport de la social-démocratie moderne, née du mouvement ouvrier ; et celui de l’écologie responsable, dite « de gouvernement ». Car s’il n’y a pas cinquante nuances de Vert, il y’en a bien quatre ou cinq variètés, substantiellement distinctes, que Cazeneuve passe au crible de sa critique. Son article propose la matrice idéologique et programmatique de cette synthèse, l’ensemble cohérent de mesures permettant d’identifier un nouvel acteur politique : l’éco-socialisme ou la social-écologie.

  Cette synthèse bleue-rose-verte ne saurait en effet se réduire à une juxtaposition des analyses et des propositions de ses parties prenantes, en vue de ratisser plus large, ajoute-t’il. Comme toute vraie synthèse elle sera une transformation de chacune de ses composantes et leur dépassement dans un nouvel ensemble . Si l’urgence écologique  « oblige à reformuler le programme républicain et social-démocrate en fonction des limites, désormais évidentes, du système Terre » (5), les écologistes sont appellés eux aussi à se transformer et ne peuvent pas demeurer des acteurs spécialisés. Ils doivent apporter leurs réponses  aux autres grands défis auxquels nous sommes confrontés : la régulation de la finance folle et des multi-nationales géantes ; le passage à une économie de l’innovation et de l’excellence ; l’éradication du chômage de masse et de la précarité ; l’invention de l’Etat social actif du XXIeme siècle ; la maîtrise des flux migratoires et de l’intégration des immigrés ; la sécurité des français et des européens, dans un monde menaçant d’où le parapluie américain s’est retiré et où le Président des Etat-Unis est devenu lui-même un danger majeur pour la paix ; la relance et la réorientation de la construction européenne ; la défense et l’approfondissement de notre Etat de droit et de notre démocratie…La liste est longue des questions essentielles, qui ne relèvent pas directement de l’écologie, même si les réponses à ces questions ont toutes une dimension écologique, auxquelles les républicains de progrès, les sociaux-démocrates, les écologistes responsables doivent apporter des réponses communes. L’implication maximale des citoyens à l’élaboration de ces réponses, à la base, dans les associations, les comités ad hoc, les localités, que recommande Cazeneuve, aidera grandement à cette coopération.

Une transition conflictuelle et prolongée.

 La transition écologique ne peut réussir que si elle se montre « socialement juste , démocratiquement acceptable et géographiquement differenciée » préviens  Cazeneuve( 6). Le passage progressif - mais néanmoins rapide, car à en croire le GIEC et le IPBES, le temps nous est compté ! -, à une économie décarbonée, moins prédatrice, plus soucieuse de la préservation des interêts des générations futures, mais aussi des autres vivants peuplant notre Terre-Matrie ; ce passage n’ira pas sans restrictions, sans sacrifices, sans renoncements. Il signifie la sortie de la société de consommation éffreinée de biens et de services marchands, auxquels l’immense majorité de nos concitoyens – à commencer par l’auteur de ces lignes, ainsi, sans doute, que la plupart d’entre vous, estimés lecteurs !  -, sont fortement attachés.  La nécessaire transition écologique présente un coût élevé, économique et existentiel. Il ne s’agit pas seulement d’atteindre la « neutralité carbone » en 2050, ce qui est déjà mal engagé. Il s’agit en réalité à terme, on le sait, de changer nos façons de produire, de consommer, de circuler, de se loger, de se nourrir, de se divertir, de vivre ensemble, de concevoir le bonheur. « Nos modes de vie devront changer radicalement », rappelle  Bernard Cazeneuve (7). Il s’agit en réalité de changer de civilisation.

Il existe une contradiction, on le sait, entre la volonté de stimuler la croissance économique, afin de réduire la pauvreté, reconquérir une société de plein emploi, et de bon emploi, qualifié, durable, assorti de nombreux droits sociaux ; et la volonté d’atteindre les objectifs de la transition écologique. La solution de cette contradiction, si l’on écarte l’utopie réactionnaire de la décroissance, c’est le projet de la « croissance propre », économe en énergie et en matière première, dont l’isolation thermique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables et des mobilités éléctriques, l’agriculture bio et raisonnée, représentent des archétypes. Mais cette transition écologique constitue un processus prolongé et conflictuel. Elle frappe de plein fouet beaucoup d’interêts populaires. On connaît la boutade : « Quand il entend « écologie », le bobo comprend qualité de la vie, le prolo augmentation de ses factures d’essence, de fioul, de gaz, d’éléctricité ». La synthèse entre le socialisme démocratique et l’écologie politique, même réaliste, se heurte donc à une difficulté, qui n’est pas réductible à leur divergence sur la sortie du nucléaire. Les sociaux-démocrates ont l’ambition de reconquérir les classes populaires et moyennes, qu’ils ont historiquement vocation à défendre et à représenter.  Une partie importante de celles-ci éprouve de sérieux problèmes de pouvoir d’achat, d’emploi, de logement, de transports. Elle avance des revendications réputées « materialistes » et pas seulement « post-materialistes ». La conciliation entre les exigences en partie contradictoires entre les impératifs de la transition écologique et ceux de la préservation des acquis sociaux des classes populaires est tout sauf un processus paisible et harmonieux. Elle exige une culture du compromis, un refus de l’un ou de l’autre pôle à imposer unilatéralement sa solution, que favorisera ce que Bernard Cazeneuve appelle la « co-construction » du programme social-écologique, à la base.

Possibilité d’une transition écologique, sociale et citoyenne

 L’ex premier Ministre du gouvernement de François Hollande souligne au passage les « affinités électives » qui rendent la synthèse entre socialisme-démocratique et écologie responsable, possible. La défense des travailleurs contre l’exploitation capitaliste et l’aliénation consumériste, qui est la raison d’être du premier ; la préservation de l’éco-système et l’amélioration de la qualité de la vie, qui est la finalité du second, sont les deux revers d’une même médaille. Le grand Karl Polany l’avait pointé dès 1944, dans son livre fondateur « La grande transformation » (8). Sociaux-démocrates et écologistes responsables sont partisans d’une économie de libre entreprise, régulée par la puissance publique et la négociation collective entre les partenaires sociaux. Une économie mixte, combinant un secteur privé marchand dominant, des services publiques puissants et diversifiés, et un tiers-secteur d’économie sociale. Ni les uns ni les autres ne sont des libéraux, au sens économique du terme : ils ne croient pas dans les capacités auto-régulatrices des marchés, ni à l’aptitude des détenteurs du pouvoir économique privé à conduire la transition écologique. Socialistes et écologistes comptent principalement pour ce faire sur la main très visible de la puissance publique, à tous ses niveaux, local, régional, national, européen, mondial. Et sur les initiatives multiformes, décentralisées, à la base, des citoyens éclairés par les chercheurs, les enseignants, les militants associatifs et politiques, les journalistes. Ce qui ne veux pas dire que les « signaux-prix » et les contrats de « responsabilité écologique et sociale des entreprises »( RES) soient inutiles. Bernard Cazeneuve demande au contraire, comme beaucoup, que les « externalités négatives », les coûts écologiques des biens et des services soient incorporées dans leurs prix ; qu’une taxe carbone soit enfin prélevée au frontière de l’Europe ; qu’une fiscalité écologique, allègeant les taxations sur le travail et les augmentant au contraire sur les pollutions, soit développée ; que le principe pollueur-payeur soit strictement appliqué.

Social-écologie et capitalisme financier

Canicules, inondations, fonte des glaciers et raréfication des abeilles aidant, la conscience écologique à beaucoup progressé au cours des dernières années. L’écologie n’a que des amis, chacun s’en réclament et tous en redemande. Les propositions sont nombreuses, la difficulté majeure est de les traduire en politiques publiques et en comportements privés. La mobilisation des nouvelles générations pour préserver « un monde authentiquement humain sur terre », comme dit Hans Jonas (9), permet d’espérer des avancées majeures dans ces domaines. La lutte contre le réchauffement climatique et pour la défense de la bio-diversité, sera le terrain de la radicalisation politique de la jeunesse des années 2020, comme la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme a été celui de la radicalisation politique des « baby boomers » dans les années  1960 et 70. « La grande transformation écologique… ouvre un nouveau siècle, une nouvelle ère pour la social-démocratie », écrit Bernard Cazeneuve.(10). Elle l’oblige non seulement « à inventer un nouveau régime de croissance, radicalement tourné vers l’économie de la transition écologique », mais aussi à penser à nouveaux frais la question  « du dépassement du capitalisme financier…qui ne peut être qu’une rupture : non pas celle d’un improbable « Grand Soir écologique », mais une rupture graduelle et non moins définitive avec l’ère productiviste carbonée » (11) . Et voilà que resurgit la question de l’Alternative, engloutie avec le naufrage du communisme, mais qu’il faudra bien revisiter.

  1. « Une politique social-démocrate, affirmait dès 1933 le premier ministre suèdois Hansson, peut très bien être une politique qui tente de nous faire bénéficier des immenses forces que recèle l’initiative privée, avec simultanément une action étatique et sociale ». Voir Henri Weber, « Eloge du compromis », Paris, Plon, 2016.
  2. Cf, Jean Jaurès, discours au congrès de la SFIO, de Toulouse, 17 octobre 1908 :« La démocratie, c’est le minimum de socialisme ; le socialisme, c’est le maximum de démocratie ». Editions de la Vie socialiste.
  3. Cf, Pierre Hassner, « La revanche des passions », Edition Fayard, Paris
  4. Cf, Jerome Fourquet, « L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée », Edition du Seuil, Paris, 2019
  5. Bernard Cazeneuve, Le Débat n° 206,
  6. Idem
  7. Idem
  8. Karl Polanyi, « La Grande Transformation », 1944, edition Gallimard , Paris.